5 août 2025

KARINE GRIMALDI, UNE ARBITRE QUI CROQUE LA VIE À PLEINES DENTS

Photos : DR

 

Devenue tétraplégique suite à la catastrophe de Furiani le 5 mai 1992, Karine Grimaldi est aujourd’hui arbitre de Triathlon. Le 22 juin dernier, elle a eu la joie de faire partie du corps arbitral qui a officié lors de l’Ironman des Sables d’Olonnes. Elle nous parle de sa reconstruction et de sa nouvelle vie dans l’interview qui suit. 

 

Peux-tu te présenter en quelques mots ? 

Je vais avoir 53 ans. Je suis mariée depuis 10 ans (anniversaire fêté le 4 juillet). Je réside en Corse depuis toujours. Je suis née à Paris d’une maman parisienne et  d’un papa Corse. J’avais une sœur Santa, qui est décédée à 15 ans le 5 mai 1992 lors de la catastrophe de Furiani (cf. question n°3). 

Quels sports as-tu pratiqué avant ton accident ?

J' ai toujours fait du sport. Durant mon adolescence, j’ai pratiqué le basket, la planche à voile et l'athlétisme en UNSS.

À partir de ma majorité, je me suis tourné vers  la marche, le footing et un peu de vélo en loisir. 

Peux-tu nous rappeler les circonstances de l'accident du stade de Furiani ?

Courant l'année de mes 19 ans, le 5 mai 1992, j’ai été victime de la catastrophe de Furiani. La tribune nord du stade s’est effondrée juste avant que le match ne commence.

Ce soir-là, ma sœur, âgée de 15 ans, a perdu la vie. Nous avions des billets pour la tribune Est. Comme celle-ci était déjà surchargée, on ne nous a pas donné d’autres choix que d' aller en tribune Nord. Construite à la hâte et reposant sur des parpaings, celle-ci s’est effondrée. 

Quelles ont été les conséquences pour ta santé ? Et pour ta vie professionnelle ?

Suite à cet accident, je me suis retrouvée tétraplégique (handicapée des 4 membres). J’ai subi de multiples interventions et effectué de la rééducation pendant plus de 3 ans pour me reconstruire et essayer de reprendre une vie presque normale. 

Avant cet accident, je possédais un salon de coiffure dans lequel je travaillais en famille. Malheureusement, comme mon handicap était trop important, j’ai été dans l’impossibilité de continuer à évoluer dans ce métier. 

As-tu repris le sport depuis cet accident ? 

Lors de ma rééducation, le sport était ma motivation pour avancer. J'ai voulu de suite m’occuper l’esprit en pratiquant des activités avec les moyens que je pouvais. J’ai fait de la natation, de la plongée, de la voile et du ski pendant 10 ans. J’ai également occupé la fonction de secrétaire dans un club de Tennis de Table pendant 10 ans. J’ai pratiqué avec des valides, même “des compétitions”. Un régal ! Je me suis même essayé à l’escrime et au kayak en étant toujours bien entourée et à mon niveau. Et comme le dit l’adage, le plus important c’est de participer.

Quand as-tu décidé de devenir arbitre de Triathlon ?  Pourquoi ce choix ?

Mon mari est licencié au Triathlon Club du Grand Bastia (TCGB). Il m’a informé que la Commission Régionale d’Arbitrage (CRA) cherchait des arbitres. Son président, Éric Sarry, m'a demandé si j’étais intéressée pour m’inscrire à la formation. Il m’a dit qu’il était d’accord pour tenter l’aventure et qu’il s’adapterait à mon handicap. En fin de compte, l’objectif était de pouvoir partager une activité avec mon mari en l'accompagnant lors de ses courses. C’était l’occasion de joindre l'utile à l’agréable.

Combien d'épreuves arbitres-tu par an ?

Je suis toujours disponible quand le lieu le permet. Lorsqu’ Éric Sarry lance une candidature pour une compétition, il sait qu’il peut compter sur moi. Je dois bien faire une bonne dizaine d’arbitrages durant la saison .

Récemment tu as été arbitre lors de l'Ironman des Sables d'Olonne?  Comment s'est passée ton expérience ?

Le 22 juin, j’ai, en effet, eu la chance d' intégrer l’équipe d’arbitrage pour l’Ironman des Sables d’Olonne. J’en profite pour remercier toutes les personnes qui m’ont permise d' être présente sur cet événement. C’était une incroyable expérience pour moi. Comme vous le savez, le handicap ne facilite pas les choses alors pour une fois ça changeait.

Quel était ton rôle sur cette épreuve ?

Le samedi, veille de compétition, était réservé à l’accueil des athlètes. Pour ma part, j’étais présente dans le parc à vélos pour surveiller l’installation des concurrents et répondre à leurs questions éventuelles.  

Le jour J, j’étais également dans l’aire de transition. À l’issue de chaque épreuve, je vérifiais le bon respect des règles par les athlètes. En cas de faute nécessitant une pénalité, je sortais le carton jaune que je montrais au concurrent. Le tout avec le sourire bien sûr.

Le moment le plus émouvant pour moi durant cette journée a été de remettre la médaille finisher à mon mari. Un moment très fort en émotion. Cet instant de partage a constitué ma récompense.

Quels sont tes objectifs pour le futur ?

Sans aucune prétention, même  si  j’ai encore beaucoup de choses à apprendre, j’espère bien renouveler l’opération sur d’autres Ironman ou d'autres épreuves. Dans ma vie aujourd’hui, le principal pour moi est de m’occuper tout en me sentant utile. Le fait d’être en fauteuil ne doit pas constituer un frein.

As-tu d'autres passions que le Triathlon ?

J’aime rouler en vélo électrique (Quadrix) avec mon mari, tout terrain ou sur route. J’apprécie énormément toutes ces balades. J’accompagne aussi parfois mon époux sur des compétitions comme la Paolina (70 km en relais). Nous participons aussi aux 24h de Vignetta-sur-Ajaccio. Dès que nous sommes disponibles pour participer à un événement, nous y allons. 

J’aime bien m’amuser également. J’ai par exemple beaucoup apprécié la journée loisir destinée aux arbitres organisée par la Commission Régionale d’Arbitrage. Tous ensemble, nous avons fait du kayak, de la course à pied et du tir. Cela a été un grand moment de plaisir et de rigolade ! 

As-tu suivi attentivement les Jeux Olympiques et Paralympiques ?

L’an dernier nous avons regardé sans discontinuer les JO et les JP à la télévision.

De plus, j’ai eu la chance de faire partie de la haie d’honneur pour réceptionner la Flamme olympique en mai sur la Place Saint-Nicolas de Bastia sur la Place. J’ai aussi été porteuse de la Flamme Paralympique à Antibes en août.

Nous avons vécu en couple avec une intense émotion ces expériences extraordinaires. 

C’est fantastique d’être applaudi et remercié par  tous ces gens que l’on ne connaissait pas. D’un seul coup d’un seul, vous devenez presque le centre du monde. J’avais déjà été tellement fière d’avoir été sélectionnée par le jury parmi tant de candidat(e)s. Quel beau privilège ! 

Quelques  jours plus tard, j’ai eu droit à une belle surprise. Le Comité  olympique nous a offert une torche des JO. Un cadeau inattendu et si exceptionnel.

J’ai décidé d’en faire profiter l’école primaire de ma commune, Linguizzetta. J’ai proposé  à la directrice d’organiser une journée spéciale durant laquelle les enfants pourraient la tenir en main et réaliser une photo en guise de souvenir des JO et JP de Paris.